RECRUTEMENT DES PROFESSEURS DE PORTUGAIS : LA SITUATION EST ALARMANTE !
Christophe GONZALEZ, président de l’ADEPBA, vient d’écrire au Ministre de l’Education nationale afin d’attirer son attention sur la situation préoccupante des concours de recrutement concernant le portugais.
M. Christophe GONZALEZ
Président de l’Association pour le Développement des Études Portugaises,
Brésiliennes, d’Afrique et d’Asie lusophones (ADEPBA)
à
M. Benoît HAMON
Ministre de l’Éducation Nationale
Objet : concours de recrutement de portugais
Monsieur le ministre,
L’ADEPBA se voit obligée, une nouvelle fois, hélas, d’attirer l’attention du Ministère sur la question très préoccupante des concours de recrutement concernant le portugais. Depuis la session 2008 aucun poste n’avait été proposé au CAPES externe jusqu’au recrutement exceptionnel (CAPES 2013-2), d’ailleurs en cours de réalisation, et pour lequel 2 postes seulement ont été dégagés, un nombre tout à fait insuffisant, comme il sera démontré. Certes, un concours réservé a permis de stabiliser quelques collègues contractuels, mais il faut bien voir que le CAPES externe est le seul concours susceptible d’assurer un réel recrutement. Par ailleurs, la dernière session de l’agrégation date de 2010 !
Il n’en reste pas moins que le nombre de vacataires est encore très important, singulièrement dans les Académies de Guyane (59%), de Martinique (23%), de Versailles (18,5%) ou de Créteil (15%). Sans perspectives de titularisation, ces enseignants sont condamnés à demeurer dans la précarité. Plus généralement, cette absence de concours internes confronte les enseignants de portugais à une inégalité de traitement au sein de la fonction publique, dans la mesure où ils ne peuvent bénéficier de promotion par cette voie.
Mais ce simple rappel n’est pas en mesure de décrire les problèmes qu’il implique en partie : par exemple, la difficulté, et souvent l’impossibilité, d’un suivi normal et harmonieux de l’enseignement du portugais entre le primaire (où 14000 élèves étudient le portugais), le collège et le lycée (15000 élèves). Et tous les ans, les enseignants de portugais sont convoqués pour faire passer diverses épreuves (CAP, BEP, BAC professionnel, BAC technologique, BAC général, BTS) de cette langue à des milliers d’élèves qui déclarent n’avoir pu suivre de cours comme ils le souhaitaient.
Mais ce n’est pas tout. Au cours des 3 dernières années, les effectifs de professeurs de portugais ont perdu 24 enseignants alors qu’aucun recrutement n’a eu lieu en 2014. Et les prévisions montrent que 29 enseignants certifiés ou agrégés partiront en retraite entre 2014 et 2016, ce qui représente une nouvelle perte de 20% des professeurs titulaires. En 5 ans, 30% des enseignants de portugais auront été perdus. Alors que, globalement, 26% des enseignants de portugais sont contractuels, ce qui empêche tout projet à long terme, la pénurie de professeurs certifiés et agrégés obstacle au développement du portugais dans l’enseignement secondaire. Des décisions d’ouverture de cours sont différées ou annulées par manque d’enseignants disponibles.
En 2015, il est absolument indispensable de recruter un nombre relativement important d’enseignants : la situation décrite montre que 10 postes aux CAPES et 5 à l’agrégation sont absolument indispensables. Dans le cas contraire, c’est l’existence-même de l’enseignement du portugais en France qui est mise en cause.
Y aurait-il une quelconque volonté administrative et politique dans ce sens ?
Les conditions qui sont faites au portugais constituent une anomalie incompréhensible, outre, d’ailleurs, les difficultés que, au plan local, cet enseignement doit affronter du fait de certains chefs d’établissement, les exemples peuvent être nombreux. La situation actuelle est incompréhensible au regard du traitement réservé à d’autres langues. En effet, si toutes les langues sont égales en dignité, elles ne le sont pas dans l’usage et dans leur rôle international. Présent sur quatre continents, le portugais est la 6ème langue la plus parlée dans le monde (250 millions de personnes), et l’une des plus utilisée aussi dans notre propre pays. C’est pourquoi on ne peut comprendre ni accepter l’exclusion de cette langue des concours de recrutement quand d’autres, au moindre rayonnement, nationales ou régionales, continuent de bénéficier d’un traitement qui semble de faveur. Basque, breton, catalan, créole, occitan ont bénéficié ou bénéficient de recrutements plus constants, de même que l’arabe qui, pourtant, n’a que moitié moins d’élèves que le portugais. Et même telles « grandes » langues européennes sont largement servies en postes quand les effectifs de collégiens et lycéens sont parfois en chute libre et qui, parfois, ne survivent que par quelques artifices plus ou moins « obligatoires »…
Ces mêmes conditions sont intolérables face à la réalité de l’enseignement de cette langue et de cette culture, et compte tenu des demandes et des possibilités d’ouverture de postes dans un cadre général d’augmentation des effectifs qui, selon les chiffres officiels, ont cru de 5% par an. C’est ce phénomène qui a conduit à une multiplication par 10 des sections internationales au cours des 10 dernières années (il y a aujourd’hui 20 sections internationales dont 1 brésilienne à Cayenne et 1 nouvelle section brésilienne à la rentrée 2014 à Créteil). Ces exemples montrent que le potentiel existe pour un développement de l’enseignement du portugais, mais il est actuellement en danger et ne saurait bientôt se limiter à ces sections internationales.
Évidemment, cette situation porte atteinte aux Départements de portugais de l’Enseignement supérieur. Ces derniers souffrent dans leur recrutement et dans l’organisation de leur cursus, alors même que le nombre de candidats qui se présentaient aux concours (une centaine au CAPES et une cinquantaine à l’agrégation pour deux postes chaque fois) montrait bien l’existence d’un potentiel permettant des recrutements non seulement en vue d’ouvertures de postes, car les demandes existent, mais aussi afin de pouvoir renouveler, à court terme, les emplois existants.
Je rappelle encore que le tableau qui vient d’être dressé est un véritable affront aux pays lusophones. La France a signé des accords bilatéraux, courant 2006, avec le Portugal et le Brésil, sur l’enseignement des langues respectives. La partie française voudrait-elle se désengager de ce qui pourrait être l’exemple d’une belle coopération culturelle ?
Enfin, l’ADEPBA entend récuser par avance quelques arguments. Certes, la répartition des cours de portugais n’est pas aussi harmonieuse sur le territoire français que ce qui caractérise l’anglais ou l’espagnol, par exemple, mais cet aspect ne peut constituer une raison valable pour ne pas proposer des postes aux concours : les besoins sont plus ponctuels et des postes ne peuvent s’ouvrir où il en faudrait. Par ailleurs, on ne peut juger de la réalité de cet enseignement en lui appliquant un mode de calcul ridicule qui consiste à additionner tous les élèves de la métropole et de l’outre-mer et de diviser ce nombre par celui des enseignants afin d’obtenir une moyenne qui ne correspond à rien. Enfin, il serait tout à fait inconcevable de prétendre que l’ouverture de quelques postes pour le portugais, parmi les centaines globalement proposés, aurait une grave incidence sur le devenir financier de notre République, puisque cet argument a parfois été utilisé par vos services…
Dans l’attente d’une décision positive de bon sens qui débouchera sur une prise en compte de notre demande, veuillez recevoir, monsieur le Ministre, l’expression de notre considération respectueuse.